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Thèse présentée à la Faculté
des sciences de Paris
pour obtenir le grade de
Docteur es Sciences Physiques
par ¶
Charles Cloëz
Recherches sur les dérivés
chlorés de l'acétone
soutenue le 13 avril 1886
devant la commission d'examen :
Friedel, président
Debray, Bouty, examinateurs
INTRODUCTION
Les premières mentions de
composés chlorés de l'acétone sont dues à Macaire et Marcel et à Matteucci;
mais leurs conclusions sont si peu nettes et leurs expériences si
insuffisantes, que l'on ne peut enlever à Kane l'honneur d'avoir découvert le
premier composé chloré de l'acétone : c'est son chloral mésitique ou acétone
dichlorée.
Il le préparait en ajoutant du
chlorate de potasse pulvérisé à un mélange d'acide chlorhydrique et d'acétone ;
dans ces conditions, on voit en peu de temps se précipiter une huile lourde,
qui, lavée à l'eau et desséchée sur le chlorure de calcium, constitue le
chloral mésitique. La majeure partie des propriétés de ce composé est assez
exactement donnée dans le travail de Kane. C'est, dit-il, une huile lourde qui
agit vivement sur les yeux, et cette action persiste pendant quelques jours.
Elle forme sur la peau des taches rouges et des ampoules ayant le même aspect
que celles que produisent les cantharides, mais guérissant plus difficilement
encore.
Une seule erreur réside dans la
détermination du point d'ébullition fixé par Kane à 71°; mais il est probable
que son produit était partiellement décomposé, car, dit-il, la présence de
l'acide chlorhydrique le-rend noir et opaque. Liebig reproduisit le même
composé en faisant passer un courant de chlore dans l'acétone refroidie. Il
obtint ainsi l'acétone dichlorée possédant toutes les propriétés du chloral
mésitique de Kane. Ce corps, d'après Liebig, possède d'abord l'odeur du
chloroforme; mais, au bout de quelques instants, cette odeur devient piquante
et fait pleurer abondamment.
Les propriétés si singulières
de ce composé excitèrent l'attention des chimistes qui dès lors se mirent à
chercher le moyen de produire les autres composés chlorés de l'acétone, soit en
faisant réagir une source de chlore naissant sur l'acétone elle-même, soit en
faisant passer un courant de chlore sur des composés qui, dans des
circonstances spéciales, pouvaient donner lieu à une production acétone Les
recherches se succédèrent très rapidement.
M. Riche obtint la
monochloracétone en faisant passer le courant électrique produit par trois
éléments Bunsen dans un mélange d'acétone et d'acide chlorhydrique. L'hydrogène
se dégage au pôle négatif, le chlore se porte sur l'acétone et produit une
huile lourde constituant acétone monochlorée sensiblement pure. Presque en même
temps, M. Bouis avait obtenu la trichloracétone et acétone tétrachlorée en
faisant passer un courant de chlore dans un mélange d'acétone et d'alcool
méthylique. Pour distinguer ces deux produits, il les convertissait en hydrates
qu'il séparait par cristallisations fractionnées. Les hydrates, traités par
l'acide chlorhydrique gazeux, régénéraient les acétones chlorées.
Telles sont les recherches qui
portèrent sur l'acétone elle-même. Les travaux dirigés suivant le second ordre
d'idées, action du chlore sur des corps pouvant produire de l'acétone sous
diverses influences, furent beaucoup plus nombreux.
C'est ainsi qu'en décomposant
l'acide citrique par le chlore au soleil, M. Plantamour obtint un corps chloré
oléagineux dont il représentait la composition par
C8Cl8O3 (C = 6, O = 8, H = 1),
M. Staedeler montra que ce
corps n'était autre que acétone perchlorée; en 1854, M. Staedeler obtint
l'acétone pentachlorée en dissolvant à l'ébullition un mélange d'acide quinique
et de chlorate de potasse et ajoutant à la solution bouillante de l'acide
chlorhydrique concentré.
Tous les composés chlorés de
l'acétone étaient ainsi découverts ; mais, comme pour chacun d'eux il peut
exister des composés isomériques, les recherches continuèrent : mon père
prépara l'acétone pentachlorée par l'action du chlore, sur une dissolution de
citrate de sodium.
MM. Gottlieb et Morawski
montrèrent de même qu'il se formait une notable quantité d'acétone trichlorée
dans l'action du chlore sur l'acide citraconique ou sur les citraconates
alcalins. Nous aurons du reste occasion de revenir sur toutes ces recherches.
Nous dirons enfin, pour
terminer ce court historique de la question, que, dans ces dernières années,
MM. Markownikoff, Glütz et Fischer préparèrent un isomère de la dichloracétone
en oxydant la dichlorhydrine symétrique. L'importance de ce composé peut se
résumer en quelques mots : c'est grâce à lui que M. Grimaux a pu, tout
dernièrement, réaliser la synthèse de l'acide citrique, vainement tentée
jusqu'alors.
Tous les travaux que nous
venons d'énumérer si rapidement eurent plutôt pour but d'étudier la préparation
des acétones chlorées que leurs modes de décomposition, qui peuvent le plus
souvent se faire d'une manière générale.
C'est en étudiant la
décomposition par l'ammoniaque d'un des composés chlorés de l'acétone que nous
avons eu l'idée qu'un travail d'ensemble pourrait présenter quelque intérêt.
Mais ce n'est pas sans de ^nombreuses hésitations, dues soit à des produits secondaires
incristallisables qui nous cachaient le sens véritable de nos réactions, soit
surtout à l'action des plus désagréables que certains de ces produits exercent
sur les organes de la vue et de la respiration, que nous avons achevé le
travail que nous présentons aujourd'hui.
Ce travail est divisé en trois
Parties. Dans la première Partie, nous dirons très brièvement quels sont les
appareils et les matières premières qui nous ont servi pour préparer les
acétones chlorées que nous étudierons en détail dans la seconde Partie; le
dernier Chapitre sera consacré à l'élude de l'action qu'exercent l'ammoniaque
et les ammoniaques composées sur les corps dont nous aurons précédemment
indiqué les modes de préparation.
Ce travail a été entrepris dans
le but d'étudier la constitution des acétones chlorées et de leurs isomères,
cette étude se basant principalement sur la décomposition de ces produits en
présence de l'ammoniaque. Le problème n'est peut-être pas complètement résolu :
si quelques composés nouveaux ont été découverts, si certains corps considérés
jusqu'ici comme des dérivés de l'acétone doivent, d'après nos recherches,
prendre place parmi les dérivés de l'épichlorhyrine, il reste néanmoins plus
d'une étude à faire sur ces composés intéressants.
La formule que l'on donne
aujourd'hui à l'acétone est symétrique. Le symbole CH3-CO-CH3 montre que les
deux méthyles sont identiques par rapport au carbonyle central. Gerhardt et
Chance!, en attribuant à l'acétone la formule de l'aldéhyde méthylée C2H3O-CH3,
supposaient implicitement que l'un des deux méthyles était lié au carbonyle
plus intimement que l'autre. Ces deux formules ne sont pas identiques : il
suffit, pour s'en convaincre, de cher-cher quels peuvent être a priori les
composés chlorés de l'acétone d'après l'une ou l'autre de ces deux hypothèses.
Dans la première hypothèse, il
ne peut exister que neuf composés chlorés, tandis qu'il s'en trouve quinze dans
la seconde.
Or ces neuf composés sont
aujourd'hui connus : jamais, en outre, on n'a pu obtenir un seul corps dérivant
véritablement de l'acétone et possédant une constitution a l'appui de la
formule dissymétrique. Les isomères de la tétrachloracétone symétrique et de la
pentachloracétone décrits plus haut doivent être, en effet, considérés comme des
dérivés de l'épichlorhydrine.
L'introduction de ce travail
montre toutes les difficultés que l'on a à surmonter dans la préparation et
l'étude des acétones chlorées. Plus loin, j'ai indiqué, soit en adoptant les
travaux de mes devanciers, après les avoir soigneusement vérifiés, soit parfois
en les modifiant, quelle était la meilleure marche à suivre pour obtenir
sûrement le produit le plus pur: il est inutile d'y revenir.
Nous donnerons, en terminant,
l'énumération des produits obtenus pour la première fois dans nos
recherches :
I.
Oxydes de
propylène bichloré et pentachloré (dérivés de l'épichlorhydrine).
II.
II. Isomères
de la tétrachloracétone et de la pentachloracétone (dérivés de la
pseudo-dichloracétone symétrique).
III.
III. Trichloracétone CH2Cl-CO-CHCl3.
IV.
IV.
Tétrachloracétone symétrique,
V.
V.
Pentachloracétone et acétone perchlorée (dérivées directement de l'acétone).
VI.
VI. Tonte la
série des acétones chlorobromées tétra-substituées.
VII.
VII. Quelques
acétamides chlorées.